« Belle et grande famille, une mère qui ne travaille pas pour consacrer sa vie à ses enfants, un père avec un emploi important et sérieux, une grande maison, des enfants sages... » Voilà comment on décrivait la famille où je suis née. Certains parlaient de famille idéale, de famille parfaite, d'une famille comme on en voit qu'à la télé. Je peux vous promettre une chose, avoir une grande famille ça peut paraitre cool et tout ce que vous voulez, désolée de vous décevoir mais ce n'est pas du tout le cas. Au contraire, avoir autant de frères et soeurs c'est horrible. Pour en revenir à mon histoire, je suis née le 30 septembre soit presque trois semaines en avance, ma mère refusant de se reposer pour éviter d'accoucher avant la date prévue. Mais cela avait peu d'importance, j'étais en bonne santé, que demander de plus ? J'étais la quatrième enfant de cette famille qui ne semblait pas vouloir arrêter de s'agrandir.

« Les enfants vous allez avoir un nouveau petit frère ou une nouvelle petite soeur. » Encore ? Beaucoup on pensait ça. Malgré les faux sourires et les félicitations, on savait très bien que notre famille attirait tous les regards du quartier. Pourquoi vouloir autant d'enfants ? C'était la question que beaucoup se posaient et que beaucoup posaient à nos parents. Pour ma part, j'étais âgée de quatre ans lorsque j'ai su que la famille s'agrandirait de nouveau. Je n'étais pas mécontente et j'avoue que je priais chaque jour pour avoir une petite soeur afin de pouvoir jouer avec elle. A ma grande surprise se ne fut pas une petite fille qui entrait dans la famille mais deux, de quoi me rendre très heureuse. Désormais six enfants à la maison, la vie n'était pas facile tous les jours. Il fallait réussir à gérer tout ce petit monde, heureusement pour mes parents ils avaient instauré des règles suffisamment strictes pour réussir à nous "diriger" convenablement.

« Tu sais qu'à ton âge on ne pleure pas même si on a mal ? » Huit ans. Je n'avais que huit ans et je venais de me faire mordre par un énorme chien alors que je jouais dehors avec mes deux grands frères. Sans comprendre pourquoi et sans raison, il m'avait attrapé le bras et si son maitre et mes frères n'avaient pas réussi à me dégager, mon bras serait surement dans un état horrible. Par chance je n'avais qu'une belle morsure qui me laisserait surement une marque. C'est mon père qui me disait de ne pas pleurer, j'étais assise sur une table à l'hôpital afin qu'on me soigne, fatigué d'être là et de m'entendre alors qu'il pourrait être à la maison en train de se reposer de sa dure journée de travail. Pleurer était une chose normale et loin d'être honteuse, chez nous ça l'était. Mais comment empêcher une enfant de mon âge de pleurer ? En lui promettant que si elle continue, elle sera punie. Croyez-moi, les larmes avaient rapidement cessées de couler malgré la douleur.

« Et toi tu veux faire quoi plus tard ? » Ce que je voulais faire plus tard ? Excellente question... La question qu'on commençait tous à se poser au lycée et si c'était une évidence pour toute ma famille, pour moi ça ne l'était pas. Chez moi tout le monde voulait devenir avocat, médecin, droit et politique, devenir de grands journalistes... Bref, les longues études et les métiers "importants" pour mon père qui souhaitait que ses enfants deviennent tous avocats ou même de grands médecins. Quoi qu'il espérait que ses filles fassent simplement de bonnes mères. J'avais l'impression de rêver, je ne voulais ni avoir ce genre de métier, ni même être simplement une mère sans jamais travailler. Les temps avaient changé et il ne pouvait pas influencer mes choix, je ferai ce qu'il me plairait même si mes parents étaient contre.

« Tu viens à la fête samedi ? Tu sais qui sera là. » Tu sais qui ? Un garçon qui me plaisait énormément, mais il ne semblait pas m'avoir remarqué. En même temps qui s'intéresserait à celle qui travaille sans cesse, qui parle peu, qui parait coincer comme pas possible et qui ne faisait jamais rien d'amusant ? Je m'ennuyais moi-même, pour dire. Pourtant cette fête je voulais y aller malgré l'interdiction. A presque dix-huit ans, je pouvais tout de même sortir parfois non ? Mais comme toute bonne adolescente, j'allais faire le mur et sortir par la fenêtre de ma chambre n'était pas difficile. Premièrement cette fête était complètement nulle; deuxièmement ce garçon dont je rêvais n'était pas là et pour finir mes parents ont remarqué mon absence. Il faut dire que je n'ai jamais réussi à rentrer chez-moi par la fenêtre et en passant par la porte d'entrée, je me suis cassée la figure en prenant les pieds dans une marche.

« Mademoiselle Barker, vos parents et votre soeur ont eu un grave accident de voiture. Je suis désolé. » 20 ans, la vie devant moi, les études qui débutaient, une vie d'adulte qui commençait et je perdais la seule chose qui m'importait : ma famille. Mes parents et ma grande soeur venaient de mourir dans un accident de voiture. Un parfait inconnu venait de me l'apprendre, je me posais un tas de question, est-ce que mes frères et soeurs avaient été mis au courant ? Ça changeait quoi ? J'étais malheureuse, ils seront malheureux et notre vie ne serait plus jamais la même. Comment vivre avec ça ? Mes petites soeurs âgées de 16 ans partirent chez une de nos tantes, moi j’emménageais chez le plus grand de mes frères alors que mon second grand frère avait décidé de quitter la ville. Nous avions toujours été tous ensemble et là, je venais de tout perdre.

« Maxine, tu comptes te bouger un jour ? Tu peux plus rester comme ça, c'est plus possible. » Mon frère en avait surement assez de me voir chez lui à ne rien faire, j'allais en cours sans rien y comprendre sans m'y intéresser, je rentrais, je mangeais et je passais la journée enfermée dans ma chambre. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ? J'avais de l'argent, suffisamment pour vivre seule et qu'il me fiche la paix mais je ne voulais pas quitter la dernière personne qui vivait encore ici même si elle ne me supportait plus. La première année de droit terminée, je décidais d'arrêter et de faire autre chose, bien que je n'avais aucune idée. Si j'avais fais ça, c'était pour faire plaisir à mes parents, il n'était plus là alors même si je voulais faire ce qui me plaisait, je devais faire quelque chose, me reprendre et faire en sorte qu'ils soient fiers de moi.

« C'est bizarre; je me souviens pas de toi. » Il me disait vaguement quelque chose. Son visage me rappelait quelqu'un, mais je ne pouvais remettre un nom sur celui-ci. 22 ans, j'avais quitté le lycée depuis quelques années et il soutenait qu'on s'était connu là-bas. Je n'allais pas lui mentir, je ne le reconnaissais pas, je n'avais aucun souvenir de lui ou très peu. Je me souvenais vaguement d'un garçon lui ressemblant avec qui j'avais échangé quelques mots, mais à qui je n'avais prêté aucune attention, peut-être était-ce lui. Bref, si ce jour là je n'avais pas été dans ce restaurant, si je ne m'étais pas mise en colère contre ce serveur, si je ne m'étais pas réfugiée à la cuisine, je ne l'aurais certainement jamais revu. Joshua, ce nom j'allais m'en souvenir longtemps.

« Il est quoi ? Allez arrête, ça me fait pas rire. » Nous étions devenus d'excellents amis Joshua et moi. On se voyait souvent, on aimait s'amuser ensemble et on parlait énormément. Un ami, juste un ami. Jusqu'à ce que .. m'apprenne que Joshua m'aimait. J'avais d'abord pensé à une blague puis en y réfléchissant bien, j'ai compris deux choses : la première était que ce n'était pas une mauvaise blague et la seconde, je l'aimais moi aussi, enfin je crois. Quoi qu'il arrive ne rien tenter serait une bêtise, je pouvais passer à côté de quelque chose. C'est pourquoi j'attendais avec impatience son retour, pour qu'enfin tout soit comme cela devrait être.

« Il est avec qui ? Elle ? Mais c'est pas possible, c'est pas du tout son genre. » Alors lui.. Ce Joshua ! Il ne méritait qu'une chose, se prendre mon poing dans la figure. Il m'aimait ? Du moins, c'est ce qu'on m'avait racontée et il rentrait de voyage aux bras d'une parfaite inconnue, d'une... Restons polie ! Si aimer une personne c'est l'oublier si rapidement, je ne préfère plus aimer. Pourquoi ne m'avait-il jamais rien dit ? Pourquoi n'avais-je jamais rien remarqué ? J'étais stupide et lui il était tout ce que je détestais. J'allais être heureuse pour lui ou du moins faire semblant, j'allais faire semblant d'aimer le machin qui lui servait de copine. Et tant qu'à faire, j'allais en aimer un autre ou du moins sortir avec un autre, j'allais lui montrer que je pouvais moi aussi avoir quelqu'un dans ma vie.