« Hors de question que tu sortes avec moi habillé de la sorte, tu ressembles à une catin ! » Je me tiens sûr le pas de la porte le regard posé sur mon compagnon ne sachant trop comment le prendre. Il est lunatique c’est un fait, je le savais d’avance, mais depuis que l’on a emménagé ensemble il y a de cela quelques jours, il est pire encore. Moi qui pensais naïvement que ma présence au quotidien l’apaiserait un peu. « Cette robe tu l’appréciais il y a de ç… » Je n’ai pas le temps de clore ma phrase que sa main viens s’écraser sur ma joue avec une violence telle que ma tête cogne le bâtie de porte près duquel je me tiens debout. « Discute pas ! ». Le son de sa voix ce veut dur et ses yeux sont injectés de sang, jamais je l’ai vu ainsi. Je pose ma main sur ma joue qui me brûle alors que mes yeux s’embrument doucement. Je me mordille la lèvre inférieure comme pour m’interdire de pleurer devant lui, puis je fais quelque pas en arrière avant de m’enfermer dans la chambre le laissant furibond sur le seuil. Alors que les larmes perlent doucement sur mes joues je m’effondre le dos contre la porte sur le sol glacé. Face à moi les miroirs du dressing me renvoie mon image. Moi assise sur le sol une main contre la joue, les yeux emplit de larme, le mascara a fait de longues tranchées noires sur mon teint blafard. Je n’entends même plus les cris venant de l’autre côté de la porte, mon image me dégoûte… Je me lève, quelques minutes après, ma tenue se reflète à son tour dans l’immense miroir, ma seule pensée est « Il n’a peut-être pas tort ». Peut-être suis-je trop provoquante dans cette tenue, après tout un dîner d’une certaine « classe » nous attendait… Il me fallut que quelques minutes pour me changer ainsi que pour camoufler ma joue rouge et la bosse naissante. Arrivée dans le salon, il s’était calmé, je le regarde un instant avant de lancer un faible « Je suis désolé César… ». Il m’attrape l’avant-bras avant de déposer un doux baiser sur mon front en me lançant, un bref « C’est oublié ». J’ai fait de lui la victime en quelques secondes. Nous avons pris la route en direction du restaurant ou nous étions attendus par ses amis. Lorsque l’on m’a posé des questions sur la bosse naissante, il m’a suffi de leur dire que je me suis blessé par simple maladresse. Il faut dire que maladroite je le suis réellement, alors je n’ai pas eu besoin d’en faire plus pour les convaincre. Nous avons fini la soirée ensemble à l’appartement, pour moi l’incident était clos, voir oublié. J’aime cet homme et jamais j’aurais pu croire qu’il pouvait être violent avec moi. Ca non, jamais.

Les semaines, puis les mois s’enchaînent, les coups pleuvent de plus en plus et sans raison. Je me suis retranchée sur moi-même. Ma licence en médecine c’est terminée, alors je reste à l’appartement tout le temps. Je n’ai pas le droit de sortir sans son autorisation dans un premier temps, puis c’est devenu une interdiction de sortir sans lui lorsqu’il m’a surpris à parler un peu trop avec le boulanger. Pour lui je l’ai trompé. Un cercle vicieux c’est installé, je n’arrive pas à en sortir, il faut dire qu’il a tout fait pour. Il a réussi à me faire croire que si il est obligé de lever la main sur moi, c’est par ma faute. Je suis tellement enrôlé dans cette spirale que j’y crois. Je n’ai plus le droit de voir mes parents, César dit pour se justifier qu’ils ont un effet nocif sur moi. Mon père est décédé de son cancer sans que je puisse une seule fois me rendre à son chevet. J’ai cru mourir de chagrin, ses coups ne m’atteignant plus, c’est psychologiquement qu’il m’a détruite. Je ne suis plus rien, pour personne… M’a mère ne veut plus entendre parler de moi. Mes amis sont partis ayant cru que je leur avais tourné le dos… Je suis seule totalement seule. Je ne mange plus, la nourriture me rend malade, alors très vite, je perds plus de poids qu’il n’en faut. Un jour, après une ultime dispute, je me retrouve enfermé dans ma chambre le dos collé à la porte assise sur le sol face au miroir. Je me revois un an auparavant dans la même position devant ce même miroir. Alors que jusqu’à présent mes yeux étaient secs, un flot de larme vient se déverser sur mes joues. Je suis désemparée. Dans ce miroir je ne vois qu’un fantôme. Mon teint et blême, mes lèvres sont bleues comme celles d’un mort, mes bras squelettiques sont couverts d’hématomes. Je suis morte… Bonnie est morte. Un vent frai vient s’engouffrer dans la chambre par la fenêtre entre ouverte. Je me lève pour me diriger vers celle-ci avec les faibles forces qu’il me reste. J’inspire une grande bouffée d’air qui me brûle les poumons autant qu’elle m’apaise et me fait me sentir vivante. Je ne veux plus être ce cadavre inerte, je veux vivre. Je lance un regard vers le bas de l’immeuble. Je savais que si je voulais fuir cela aller être dur, mais c’est le seul moyen de ne pas faire partie de la page nécrologique du journal local dans quelques jours. Il m’a fallu une semaine et demie. Le soir je lui ai préparé son repas, comme tous les jours, dans lequel j’ai glissé assez de somnifère pour le faire dormir durant une bonne nuit. Cela n’a pas loupé, il a très vite été se coucher. J’ai attendu quelques heures terré dans le noir, pour être certaine que ce n’était pas un leurre. En douceur j’ai attrapé la clef de la porte d’entrée qu’il garde toujours avec lui, par mesure de sécurité disait-il. J’ai dévalé les escaliers deux par deux, en m’agrippant comme je le pouvais à la rampe. La pluie tombe à torrent, la sentir ruisseler sur ma peau meurtrie, me fait un bien fou. Sans plus attendre je cours, j’utilise mes dernières forces pour atteindre la maison familiale, seulement là-bas, je pourrais dire que je suis sauvée. Arrivée sur le seuil je tambourine à la porte comme une folle, tout en criant afin que ma mère vienne ouvrir. La porte c’est ouverte, je suis tombée… C’est tout ce dont je me souviens de mon ancienne vie…

Je suis née un certain dix-neuf février à la clinique privée de Houston à l’âge de vingt-et-un ans. Ma mère est à mon chevet lorsque j’ouvre enfin les yeux. Elle qui était si belle la dernière fois que j’avais croisé son regard, aujourd’hui elle est marquée par le temps et par la vie. Rien ne l’a épargné, j’espère que j’arriverais à lui rendre son merveilleux sourire à nouveau. Je suis resté en clinique deux mois entier, à la fin les médecins n’en pouvaient plus de moi. Il faut dire que je suis curieuse et la médecine c’est ce que j’aime. Alors que tous les patients se contentent du diagnostic, moi je veux savoir pourquoi et comment, pour un médecin c’est vraiment agaçant. Mon séjour là-bas m’a apporté une certaine forme d’apaisement, je me savais protégée. A ma sortie les choses étaient différentes. Je ne vis pas je survis chaque pas à l’extérieur me fait peur alors un matin je me suis levée à l’aube, attrapé un sac dans lequel j’ai mis en vrac quelques vêtements. J’ai laissé un mot à l’adresse de ma mère sur la table du salon lui expliquant les raisons de mon départ subit. Je savais que j’allais la faire souffrir une seconde fois, mais je savais aussi qu’elle comprendrait. J’ai pris le premier départ à partir de la gare de Houston, je ne sais pas où j’allais mais je me sens bien. Je me sens libre… La tête posée contre la vitre je regarde les paysages défiler un par un sous mes yeux. Le train avance à une vitesse que je n’imagine même pas pourtant je voudrais tant qu’il aille plus vite, j’aimerai tant commencer ma nouvelle vie. Mes yeux se ferment lentement, je finis par tomber dans un long sommeil, je me laisse juste porter. Je suis loin dans mes rêveries lorsqu’une voix criarde venant des haut-parleurs vient m’extirper de mes songes. « Springfield terminus de ce train, tous les voyageurs sont invités à descendre. » Alors voici ma destination finale ? Springfield ? Je ne savais même pas qu’une telle ville existée réellement. Peut-être y croiserais-je Homer ? Cette idée m’amuse profondément.

Cela fait maintenant deux ans et demi que je vis à Springfield, je n’ai pas encore rencontré Homer, mais j’ai renoué avec la vie. A mon arrivée ici j’ai repris une brève formation dans le milieu médicale, avant de me faire embaucher par l’école primaire de la ville en tant qu’infirmière scolaire. J’aime mon métier, être entourée d’enfant j’adore ça. Ce sont les plus honnêtes d’entre nous. Pour rien au monde j’échangerai ma place. Mon passé c’est enfuit à jamais de ma vie avec le décès récent de ma mère. J’aurais dû être triste, mais pour être totalement honnête je suis surtout soulagée ! Soulagée pour elle qui de toute façon ne vivait plus depuis le décès de mon père, puis soulagée pour moi… Plus d’attache à Houston, plus de raison d’y remettre les pieds. J’ai aujourd’hui vingt-quatre ans. Je croque la vie à pleine dent, je suis libre. Libre de porter un vieux jeans troué ou encore une belle robe avec de petits escarpins. Libre de parler à qui je veux. Libre de prendre ma voiture et partir pour quelques jours sur un simple coup de tête. J’ai ma vie entre les mains. Je n’ai plus d’attache et à vrai dire je n’en souhaite plus vraiment. Je n’ai pas vraiment d’ami, juste de brève connaissance. Je dois dire que je n’ai pas fait beaucoup d’effort de socialisation depuis que je suis arrivé et le peu de personnes qui m’ont approché s’y sont brûlés les ailes. En disant cela, je pense surtout à l’un des enseignant qui a débarqué il y a peu dans mon bureau avec une petite fille blessée. Il est vraiment charmant mais il faut dire qu’il la portait vraiment mal après la chute que l’enfant a subit. Je me suis énervée, mon côté impulsif a pris le dessus et on peut dire qu’il en a pris pour son grade. Je devrais surement m’en vouloir d’avoir eu un tel comportement avec cet inconnu, mais à vrai dire pas le moins du monde. C’est un idiot et si cette enfant c’était blessé plus grièvement elle serait morte aujourd’hui. Alors il peut-être tout ce qu’il y a de plus adorable avec eux, il est totalement inconscient et ce n’est pas pardonnable… A moins que ce soit autre chose chez lui qui me dérange comme son sourire ou encore le charme qu’il dégage ? Non, c’est juste un incroyable idiot et c’est tout !